mercredi 7 mai 2014

Annick Goutal, destin de femme !








  • La maison Annick Goutal a été créée en 1981 par une femme au destin exceptionnel. A l'origine, c'est l'aventure émouvante d'une jeune femme qui se rebelle contre une carrière toute tracée de pianiste. Après de longues années à étudier la musique, elle embrasse le métier de mannequin qui répond à son sens inné du raffinement et de l'élégance authentique. Quelques temps plus tard, sa rencontre magique avec un parfumeur de Grasse va bouleverser sa vie : elle se découvre un véritable don pour la création de parfums et se lance dans une odyssée olfactive et artistique qui la portera vers le succès. En 1980, Annick Goutal ouvre sa première boutique rue de Bellechasse à Paris, où elle commence à présenter ses créations. De jour en jour, elle devient plus célèbre grâce au bouche à oreille d'une clientèle avertie, ainsi qu'à des amis journalistes profondément convaincus de son talent.

  • En 1985, les Parfums Annick Goutal rejoignent le prestigieux groupe Taittinger. Ils y côtoient la célèbre maison de Champagne et le Cristal Baccarat. Ce rapprochement donne le signal d'un développement actif. Il matérialise aussi leur entrée parmi les maisons de Haute Parfumerie. Avec l'appui de Brigitte Taittinger, la marque étend sa présence en France ainsi qu'à l'étranger. Une politique de distribution sélective préside à ce développement harmonieux. Le succès de la marque est spectaculaire, en particulier aux Etats Unis où elle se classe dès 1990 dans le Top 5, auprès des enseignes de distribution spécialisée, telles que Saks ou Neiman Marcus.
    A partir de 1996, une seconde vague de créations vient conforter l'irrésistible ascension d'Annick Goutal. Les nouvelles fragrances (Grand Amour, Eau du Sud, Petite Chérie, puis Ce soir ou jamais ...) et la création de parfums d'ambiance complètent l'univers de la maison. La presse dévoile le succès d'Annick Goutal dont les parfums sont portés par des personnalités prestigieuses du monde entier.


  • En 1999, Annick Goutal s'éteint à l'âge de 53 ans, laissant derrière elle un héritage de plus de 25 fragrances inimitables. Son oeuvre est aujourd'hui poursuivie par sa fille, Camille Goutal, et par Isabelle Doyen, les "nez" de la maison, à travers des créations (Mandragore, Songes, Un Matin d'Orage) qui perpétuent son univers et ses valeurs : émotion, créativité, authenticité, excellence.
    En 2005, Starwood Capital a acquis le Groupe Taittinger et a développé la marque Annick Goutal dans le strict respect de ses critères de parfumerie très haut de gamme.
    En 2011 : Rachat des Parfums Annick Goutal par le groupe coréen AMORE PACIFIC.



Annick Goutal

Biographie

Fille d’un confiseur avignonnais, Annick Goutal est née à Aix en Provence juste après la guerre, en 1945. Passionnée de musique classique, son enfance sera marquée par les cours de solfège et de piano et à 16 ans, en 1961, elle obtient le Premier Prix de Piano du Conservatoire de Versailles. La musique la marquera toute sa vie car elle trouvera énormément de points communs avec la parfumerie. «Je suis une pianiste défroquée, reconvertie dans la parfumerie. Dès le départ, j’ai retrouvé la même empreinte que dans mes études de piano, c’était pareil : je travaille sur un orgue [à parfums], j’ai des touches, des notes, je fais des accords, je cherche l’harmonie, il y a des dissonances. Le langage est le même que dans la musique. Je suis intimement musicienne et le serai toute ma vie.»  Ne voulant pas continuer dans cette voie, elle devient mannequin à Londres, ce qui lui permet de se créer un bon réseau d’amis et de journalistes dans le milieu de la mode.
Puis, en 1976, à 31 ans, Annick Goutal part à Grasse chez Robertet pour se former aux odeurs. Elle s’est lancée avec une amie, Micheline Perrault, dans les cosmétiques à base de produits naturels et veut leur donner une odeur agréable. Après quatre ans passés à Grasse à étudier l’art subtil des compositions, elle sort son tout premier parfum, Folavril, en 1980.
En décembre de cette même année, elle ouvre enfin sa première boutique à Paris, rue de Bellechasse. 25 m² dédiés au luxe et aux odeurs, dans un esprit bonbonnière cher à Annick Goutal,  où défilent ses amis et les gens en quête d’une autre parfumerie. « Le parfum c’était le jackpot. Toutes les grandes maisons cherchaient à en tirer beaucoup d’argent. De plus en plus, il cessait d’être une œuvre d’art lié à un compositeur qui vendait directement ses produits comme au temps des Guerlain, des Coty. Petit à petit, c’est devenu un travail habile pour être dans certains courants, certaines modes et surtout atteindre des objectifs mondiaux. Mais ce n’est pas une parfumerie qui me touche».


 http://www.plus-que-bien.fr/wp-content/uploads/Annick-Goutal-1.jpg






Se souvenir des belles choses

PORTRAIT - Camille Goutal, fille d’Annick Goutal, fondatrice de la maison de parfums du même nom, est porteuse du même gêne déficient qu'Angelina Jolie, qui vient de révéler qu'elle avait subi une mastectomie préventive. Lisez son portrait paru dans le JDD le 15 juillet dernier.
La tombe de sa mère se trouve sur l’île de Ré. Camille Goutal se rend régulièrement sur l’île, où elle a acheté une petite maison face à la demeure familiale. Elle vient avec son compagnon et ses filles de 10 et 13 ans. On attrape son vélo, on se rend sur la plage, on déjeune entre amis. L’odeur des immortelles, accrochées aux dunes, envahit l’île par endroits. Camille Goutal a aujourd’hui 37 ans. Elle est devenue directrice artistique de la maison Annick Goutal, fondée par sa mère en 1981. Elle aime les quais de Seine parce qu’on a l’impression qu’ils courent à toute allure vers un lieu inatteignable et la tombée de la nuit parce qu’on a la sensation que le jour traîne des pieds avant d’aller se coucher.
Camille Goutal est faite de présence et d’absence. Ses instants de parole sont des traces sur le sable. Il faut les saisir avant que la mer ne les recouvre d’un coup. Se souvenir des belles choses. La maison d’Aix-en-Provence, appartenant à son grand-père maternel, est remplie d’immenses tablées bruyantes, de cabanes dans les bois, de rires à gorge déployée. Camille Goutal est la fille d’Annick Goutal. Sa mère : une brune sublime un temps mannequin à Londres, un premier prix de piano du conservatoire de Versailles, une femme droite et drôle, une créatrice de parfums de talent.
Annick Goutal est la troisième d’une famille de huit enfants. Six filles, deux garçons. Ils sont doués et beaux. On parle d’un esprit Goutal fait de raffinement et de simplicité. Les enfants et petits-enfants ont réussi à se faire un nom dans les vêtements, la peinture, les restaurants, les parfums. Dans les années 1980, cinq des six soeurs sont touchées l’une après l’autre par le cancer entre 30 et 40 ans. Annick Goutal sera la première de la famille à faire en 1994 un test aux États-Unis et à découvrir qu’elle est porteuse d’un gène déficient prédisposant les femmes à développer le cancer du sein et des ovaires. Seule sa soeur Marie-France Cohen, fondatrice de Bonpoint et de Merci, n’est pas porteuse de la mutation génétique. Camille Goutal voit mourir sa grand-mère puis trois de ses tantes dans les années 1990.
Annick Goutal décède le 20 août 1999. Camille Goutal a 24 ans. Elle accouche de sa fille et perd sa mère à un mois d’intervalle. Elle se souvient de nuits entières où sa fille hurlait avec l’impression que l’enfant hurlait à sa place. "Chacun s’est reconstruit comme il a pu. Tout va bien."

"Je pars du principe que je n’ai rien à dissimuler"

Camille Goutal se rêvait photographe. Elle se retrouve devant un tourbillon de décisions à prendre à la mort de sa mère et les prend une à une, tête baissée. Elle devient, avec le soutien de Brigitte Taittinger (PDG des parfums Goutal) et d’Isabelle Doyen (compositeur de parfums de la maison), directrice artistique des parfums Annick Goutal. Les trois femmes restent fidèles à l’esprit de la fondatrice. "Le parfum est un moyen de raconter une histoire." Grand Amour (1997) et Petite Chérie (1998) continuent à être des succès dans le monde entier. La somptueuse Eau d’Hadrien, sortie en 1981, portée notamment par François Mitterrand, est devenue un classique pour hommes et femmes. Camille Goutal et Isabelle Doyen ont créé ensemble de nouvelles fragrances comme Songes (2005), Mon Parfum Chéri (2011), Nuit Étoilée (2012). Valérie Lemercier aime Heure Exquise (1984) ; Vanessa Paradis aime Songes.
On est dans le comble de la subtilité. Des flacons précieux et des jus somptueux. L’élégance comme une évidence. "J’ai toujours vu ma mère frotter des brins d’herbe et des bouts de bois entre ses mains. J’ai les mêmes réflexes. Ma mère m’a transmis une image de la féminité paisible. Je ne me sens ni jolie ni pas jolie, parce que ce n’est pas le propos, mais bien avec moi-même." Camille Goutal n’a pas seulement hérité de sa mère un sac Kelly et une écharpe parfumée. Elle est comme toutes les femmes de la famille Goutal. Cash et classe. Elle raconte les choses simplement et fortement. "Je pars du principe que je n’ai rien à dissimuler."

La mort de sa mère, à 53 ans, est un séisme

Elle a 5 ans quand ses parents se séparent. Le violoncelliste Alain Meunier devient son beau-père. Camille Goutal parle de vacances avec son père, en Bretagne, où ils visitent les menhirs et les dolmens; de son attachement à chacun des membres de sa famille recomposée ; des week-ends sur l’île de Ré, où elle se rend depuis ses 10 ans. La période de l’adolescence est tourmentée. Elle va chaque matin à l’école les yeux remplis de larmes et l’estomac noué. L’obtention du baccalauréat à 18 ans marque la fin des tensions. Un lieu à elle (un petit studio) et une passion (la photographie). La mort de sa mère, à 53 ans, est un séisme.
"J’avais une relation fusionnelle et passionnelle avec elle. Je voulais vivre ma propre vie, mais jamais loin d’elle. Je n’ai pas eu besoin d’entrer en conflit avec ma mère pour trouver ma place puisqu’elle me la laissait à bras ouverts. Je n’ai jamais cherché de mère de substitution parce que je n’en ai jamais éprouvé le besoin."
Le goût des bonnes choses. On boit du bon vin et on mange du bon chocolat. Les grandes tablées familiales comptaient, certains Noël, une cinquantaine de personnes. Les vignes d’Aix-en- Provence de son grand-père maternel, restées dans la famille, entrent dans le Château Simone. Camille Goutal aime déguster un verre de pessac-léognan pour voir ses problèmes s’envoler. Le grand-père maternel, un ancien confiseur sévère et juste, a appris aux siens l’essentiel. Donner aux autres et prendre sur soi. Ils font mille et une choses de leurs mains et font face avec dignité aux coups du sort.
Annick Goutal écoutait, sur son lit d’hôpital, ses amis se plaindre de leurs tracas quotidiens avec un doux sourire. Elle était simplement contente d’être avec eux. "Ma mère était la générosité même. Mais elle avait une part d’ombre qu’elle montrait moins. Elle manquait de confiance en elle. On est par maints aspects extrêmement différentes. Je suis moins naïve qu’elle et plus rêveuse qu’elle. Elle voyait toujours les choses dans ce qu’elles avaient de plus beau. J’ai eu une vie plus dure, plus jeune. Avant même que ma mère ne tombe malade, j’ai eu conscience de la présence de la mort. Il y a eu une forme de transmission inconsciente."

Elle dit, à propos du gène déficient, "ce truc"

Camille Goutal est porteuse de la mutation génétique. Elle en fait des cauchemars la nuit et il en reste des traces le jour. Elle en parle un peu pour les autres femmes et, pour elle, elle n'en parle pas du tout afin de ne pas se laisser enfermer dedans. Elle dit, à propos du gène déficien, "ce truc". La prise de conscience de la mort change la donne de la vie. Les conflits familiaux sont impensables et les problèmes d'argent sont dérisoires. Elle se montre face aux autres réservée, clownesque, affûtée, émouvante. Elle déambule dans son appartement du 3e arrondissement de Paris en évoquant ses deux petites filles.
Des photos de l'acteur américain Steve McQueen sont accrochés aux murs. On admire les images noir et blanc du "trompe-la-mort" flamboyant toujours prêt à en découdre avec la vie. Camille Goutal est restée, au fil du temps, solitaire et songeuse. Elle sait s'arrêter pour observer la mer durant des heures. Elle attrape de temps en temps son agenda pour barrer d'un grand trait des jours entiers de la semaine.
Elle prend rendez- vous avec elle-même. Elle peut ainsi se rendre seule sur l'île de Ré, pour cueillir des immortelles sur le sable. Camille Goutal privilégie l'instant. Elle continue à photographier les moments heureux. 'La photographie est un moyen de retenir la vie. Je m'attache uniquement à ce que j'aime". Elle développe les photos et les garde toutes. Elle en a aujourd'hui tellement qu'elle ne sait plus où les ranger.
Marie-Laure Delorme - Le Journal du Dimanche







7 commentaires:

  1. très bel article sur une femme que j'aimais beaucoup,merci Ndezda.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Elle était formidable, partie beaucoup trop tôt.

      Supprimer
  2. Très beau, et surtout très émouvant, ce billet sur ces destins de femmes...
    Deux femmes très belles, intelligentes et fortes et... un gène déficient qui scelle leurs destins...
    Merci à toi, Nadezda, je t'embrasse très fort.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui c'est émouvant et effrayant. Nous sommes toutes dans la tourmente. Tu devrais en faire un billet chère Norma.

      Je t'embrasse et te souhaite un très bon week-end !

      Supprimer
  3. C'est très émouvant de lire tout ça. Merci.
    J'aime beaucoup beaucoup les parfums Annick Goutal. Je ne connaissais pas son histoire.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis comme toi, il y a longtemps que j'aime ses parfums mais je ne la connaissais pas. J'ai eu un choc d'apprendre qu'elle est morte si jeune.

      Supprimer
  4. Je suis saisie par la beauté d'Annick Goutale.
    J'ignorais le drame et la cause de sa mort.
    Plein de courage pour Camille, sa fille. IL faut se battre et pérpétuer la mémoire de cette mère défunte et partie trop tôt...

    RépondreSupprimer